mercredi 29 octobre 2008

La saga Hélène et les garçons


(Montjoie, 1994)
Auteur : anonyme (Jean D'Ormesson ou Paul Guth, selon certaines sources)

Note de l'Hippopotable : ****


Certaines auditeurs reprochent à ce blogue un certain passéisme. "Vous ne pensez pas à nous, les jeunes !", nous écrit ainsi Valérie Lebègue, 28 ans (Béziers). "Toujours des ouvrages parus avant ma naissance !" s'indigne Thierry Pruvost, 43 ans (Aurillac). "Pourquoi ne parlez-vous jamais des sujets qui nous passionnent ?", demande "Un groupe de jeunes fans des Chiffres et des Lettres de Basse-Normandie".

Eh bien, soit. Soucieux de se rapprocher du public des 15-45 ans, La Bibliothèque Idéale de l'Hippopotable vous présente aujourd'hui un magnifique album tout en couleurs, dont la qualité (épaisse reliure cartonnée, papier glacé) n'a rien à envier aux catalogues proposés chez nos amis coiffeurs et coiffeuses (qu'elles soient ici saluées, car nous savons que nous en comptons plusieurs parmi les fidèles de ce blogue).

De plus, cet ouvrage rentre dans une catégorie qui nous est chère : celle des formes littéraires injustement méprisées par la critique. "La saga Hélène et les garçons" est en effet une adaptation écrite d'une série télévisée - un genre hélas sous-représenté dans la liste des prix Goncourt, Nobel et autres breloques accordées à des écrivaillons qui souvent n'arrivent pas à la cheville de l'auteur de ce livre. Auteur dont le talent n'a d'égal que la modestie, puisqu'il a su renoncer à la gloire (peut être pour préserver l'amitié ? voir plus loin) en gardant l'anonymat.

Mais nos jeunes amis s'impatientent : alors, place aux images - qui, mieux qu'elles, peuvent faire justice aux aventures d'Hélène et sa sympathique bande de camarades ?


C'est tellement vrai.





Message de tempérance à destination des jeunes :
un bon repas, oui, mais que les verres restent vides.



Refuser la gloire au nom de l'amitié :
étonnante mise en abyme quand on sait que
l'auteur de l'album a préservé son anonymat.




Le pyjama, un costume trop souvent négligé
dans les productions audiovisuelles.


Les minorités sont bien représentées au sein de la série :
ici, les personnes à mobilité cervicale réduite.



Marivaux, ton esprit n'est pas mort !







Un ouvrage indispensable

jeudi 2 octobre 2008

Vols interplanétaires

… "'L'exploration de l'univers".


(Deux coqs d'or, 1959 pour l'édition française ; General Mills, 1957,58, pour l'édition originale)
Auteur : L. Del Rey
Illustrations de J. Polgreen

Note de l'Hippopotable : ****

Délicat exercice de style pour ce documentaire qui s'adresse aux jeunes gens de l'âge du cosmos. Commencé en 1957, quelques mois seulement après le lancement du premier Spoutnik soviétique, il réussit le tour de force de décrire avec précision l'exploration de l'espace par l'homme, qui au moment de sa rédaction n'est encore que conjectures et extrapolations.

C'est pourquoi son auteur a fait le choix grammatical du futur de l'indicatif, trop rarement utilisé en littérature comme dans les ouvrages de références. Ce temps, généralement réservé aux horoscopes et autres ouvrages hautement fantaisistes, est ici mis au service de la rigueur scientifique la plus, hum, rigoureuse.

Si le texte de cet ouvrage se révèle étonnamment sobre, voire passablement endormant, et ne recèle guère de grossières erreurs permettant au lecteur de l'ére post-spatiale de se gausser de la naïveté des générations précédentes, il se rattrape heureusement par des illustrations chatoyantes et souvent fantaisistes. Découvrons les ensemble.



Dans le QG spatial, des dames passeront les communications aux responsables, tandis que Ronald Reagan jeune tentera de localiser Cuba sur une carte.




Les astronautes auront les pieds fourchus.






Principale mission des futurs astronautes : ils devront dérouler des bobines de fil autour de montagnes de l'espace sans s'emberlificoter.





Les astronautes auront toujours à la main un bâton de dynamite pour détruire la capsule si un croque-monsieur s'en échappait.





Un ouvrage indispensable

mercredi 11 juin 2008

Courses & tiercés en bandes-dessinées par Léon ZITRONE


(Chancerel éditions, 1971)
Auteur : Pierre JOTREAU
Dessins : Harry BISHOP

Note de l'Hippopotable : ****

Il n'est pas si fréquent de voir des personnalités devenir de leur vivant des héros de bande-dessinées (à l'exception de Charles BRONSON).
C'est pourquoi, lorsqu'un personnage de la trempe du regretté Léon ZITRONE devient le héros d'une série de "strips", on peut parler d'évènement majeur. Aussitôt (dans un délai raisonnable de 37 ans) , notre blogue vous informe !

Mais de quoi s'agit-il au juste ?

Comme le titre de ce volume l'indique, Léon ZITRONE se propose de faire découvrir le tiercé au néophyte. Et quoi de plus néophyte en la matière qu'une blonde "taille mannequin", que l'on imagine plus aisément aux côtés de Steeve Mac Queen que tenant le bras de celui qui m'a personnellement été décrit par un agent immobilier l'ayant connu comme "un gros veau répugnant" (1)

Léon ZITRONE délivre donc ses conseils, non pas directement au lecteur, mais à une élégante jeune fille prénommée Alix, qui semble tout ignorer du monde ennuyeux des courses hippiques.



Avec un zèle difficilement explicable, la svelte Alix bombarde notre ami Léon de questions dont la technicité va croissant.

De "où naissent les chevaux de courses", Alix passe vite à "Qu'est- ce que la corde et quel est son importance sur le déroulement des courses ? " et à "Léon, comment se déroule la carrière d'un animal de Steeple-chase ?".


Malgré les réponses assommantes du chroniqueur sportif, qui semble lui accorder à peu près autant d'attention qu'un contrôleur aérien à une libellule posée sur le tarmac, Alix ne se décourage pas.

Soudain, le lecteur s'interroge : que veut cette Alix ? En savoir plus sur le tiercé, ou attirer l'attention du riche journaliste.
Authentique passionnée de turf, amoureuse transie ou aventurière sans scrupule, qui est vraiment Alix ?

Le lecteur se désintéresse bientôt des chevaux pour se concentrer sur cette intrigue implicite, guettant à chaque tour de page un indice indiquant le tour pris par cette singulière relation.

Arborant des tenues de plus en plus aguichantes, attrapant à la moindre occasion le bras de son pygmalion, la belle tente d'attirer l'attention du gros Léon.





Cela ira jusqu'à une scène torride, qui n'est pas sans rappeler les meilleures réclames pour les déodorants Rexona, où Alix, nue dans son bain, tente désespérément de faire comprendre à son partenaire ses véritables intentions :


"A votre avis, peut-on faire des bénéfices en jouant les couplés ?" demande la perverse ingénue. Et le fat personnage ne trouve à lui répondre qu'un assommant couplet sur les espérances de gains parmi 610 combinaisons possibles.

Véritable pamphlet sur les difficultés de communication homme/femme, cet ouvrage étonnamment moderne est donc à recommander à tous les jeunes couples.



Un mot maintenant sur
le style graphique de cette bande-dessinée


Faire de Léon Zitrone un héros de "strip" était un défi. Impossible de trouver en France ou en Belgique un dessinateur qui n'aurait versé dans la plus déplaisante caricature. On imagine un Uderzo ou un Giraud sur ce projet... Pouah !

C'est pourquoi l'éditeur de cet ouvrage a traversé la Manche pour s'adjoindre les services de Harry Bishop en personne. Auteur talentueux de strips, dont le fameux "Tarzan", ce dessinateur inscrit clairement son Léon Zitrone dans la lignée des grands héros du 9ème art :

Léon Zitrone par Harry Bishop

Rip Kirby, par John Prentice




"Léon Zitrone" par Harry Bishop


"Judge Dredd", par Ron Smith



Un ouvrage indispensable

(1) Cette opinion n'engage nullement l'auteur de ce blogue.

jeudi 15 mai 2008

La pause C.L.A.P. pour tous les Français !


(nous vous conseillons de "cliquer" sur cette image afin de l'admirer dans toute sa puissance)


(Paris-Match n°1085, 1970 - 4eme de couverture)
Auteur : agence de publicité "La Vente Moderne", Lyon.

Note de l'Hippopotable : ****

Vous le savez, notre blogue s'est donné pour but de faire reculer les limites de ce que la critique veule et conformiste considère comme les formes "nobles" de la littérature. C'est pourquoi nous avons déjà publié des notules sur les plus grands chef-d'œuvre de la brochure ou du roman-photo.

Nous poursuivons aujourd'hui cette tâche de de renouvellement de l'horizon littéraire en chroniquant pour la première fois une simple publicité. Oui, "simple", mais non dénuée de qualités stylistiques, sémiologiques et même pindariques (1).

Pour vous en convaincre, il vous suffit de lire avec attention le texte - court mais d'une puissance évocatrice à couper le souffle - qui constitue le cœur de cette réclame :



Un style rythmé, viril, sans forfanteries, affèteries ou inutiles gongorismes (2). L'auteur ne recule pas devant l'emploi de néologismes anglo-saxons tels que "drivée" ou "break" : nécessaire dépoussiérage de la langue, loin des conventions académiques.

Mais derrière ce message en apparence monosémique , voire stupide, se cachent plusieurs niveaux de lecture. A l'instar de l'œuvre d'Homère, du "Mahabarata" ou de "Da Vinci Code", la réclame "CLAP" recèle de nombreux trésors caché. Invisibles pour le lecteur pressé, ils sont pourtant là, prêt à être extraits de leur gangue, tels de précieux joyaux.

Nous ne souhaitons pas vous priver du plaisir de les découvrir par vous même. En voici juste deux, à titre d'exemple - souhaitons qu'ils provoquent des vocations de cryptophiles (3) chez nos lecteurs.


1- La Venus à la saucisse de Francfort

Qui est-elle ? Trempe-t-elle sa saucisse dans son gobelet de café au lait ? Divinement belle, inaccessible, parée aux couleurs de Stendhal et Jeanne Mas, elle semble nous dire : "Moi, je suis passée de l'autre côté du miroir".

2- L'Homme Noir à la Pipe


Derrière les magasiniers, un intrus observe la scène, un sourire sardonique à la bouche, une pipe aussi. Tout l'oppose à ses voisins : noirceur du vêtement et du visage, expression satanique contre innocente candeur, lunettes d'intellectuel contre blouse de prolétaire.

Qui est cet homme ?

Un concurrent ? Un ancien directeur financier éconduit, qui rôde en quête de vengeance ? L'auteur de la réclame, qui s'y serait représenté, fixant l'objectif à l'instar d'un maître flamand du XVIIeme siècle ?
Ou peut-être...l'âme damnée de Louis George BATIER, son Méphistophélès, avec qui l'ambitieux entrepreneur aurait passé quelque pacte, échangeant une réussite financière éclatante contre la perte de tout esprit critique en matière de publicité ?
Nous vous laissons méditer sur ces hypothèses.

Et nous vous livrons un dernier sujet de réflexion : pourquoi, nulle part dans cette annonce, n'est-il précisé ce que signifie l'acronyme C.L.A.P. ? Quels mots terribles et puissants se dissimulent donc derrière ces quatre lettres ?

Si un lecteur est en mesure de nous l'expliquer, qu'il laisse ici un commentaire !




Un ouvrage indispensable




(1) Qui imite la manière de Pindare. La grande ode pindarique à Michel de L'Hôpital (Thibaudet, Réflex. litt., 1936, p.20). [Avec une idée d'exaltation, de style emphatique]

(2)
Abus de termes abscons et recherchés ; Esthétique précieuse qui s'exprime dans l'œuvre du poète espagnol Góngora et s'est répandue en Espagne et en France au début du xviie siècle. Le gongorisme, le conceptisme, le cultisme viendront renforcer l'action de la préciosité (Brasillach, Corneille, 1938, p. 61). Ce blogue abuse décidément du gongorisme, mon vieux ! (Raymond Cartier, note de service à l'auteur de ce billet)

(3) Ce mot n'existe pas.

mercredi 6 février 2008

Le bonheur pour 1956… par la SÉCURITÉ



"présenté" par l'AINF
offert par le Comité d'Hygiène et de Sécurité INDENOR

Note de l'Hippopotable : ****

La brochure : genre littéraire méprisé, pour ne pas dire ignoré. On attend encore des rubriques "critiques de brochures" dans les suppléments "livres" des grands quotidiens et les magazines culturels.
Heureusement, l'Hippopotable est là pour réhabiliter ce pan méconnu de la culture française, le sortir de l'ombre d'un geste vif et assuré, et l'exposer en pleine lumière, en claironnant d'une voix ferme : "osez lire des brochures".
Mille tragédies grecques médiocres ne valent pas une bonne brochure.

Fleuron de la brochure : cet opuscule imprimé en 1956 par l'AINF et offert par INDENOR.
Nos recherches ne nous ont pas permis d'identifier la signification de ces sigles avec certitude. Notre équipe de cryptosiglophiles risque quelques hypothèses :

AINF :
Association des Intellectuels Noctiluques de France
ou bien
Amicale Immarescible des Nonnes Fringantes

INDENOR :
INDustriels ENORmes
ou peut-être
INdolents Dipsomanes ENivrés et ORgiaques.


Toujours est-il que ces organismes ont produit une brochure de grande qualité, alliant un contenu édifiant à une forme haute en couleur.
Son objectif, visionnaire pour l'époque, est d'assurer le bonheur des citoyens et travailleurs par la sécurité.

Le danger est partout : mettez vous bien ça dans la tête.


Ses moyens : une série d'images frappant l'imagination, et ancrant au plus profond du cerveau un message de terreur et de culpabilité propres à édifier sur des bases saines cette société de joie et d'insouciance que nous appellons de nos vœux.

Gageons que l'AINF et INDENOR seraient fiers d'avoir vu leur brochure traverser les décennies et propager son message angoissé à l'aube du XXIeme siècle.

Place aux images, place aux messages de prévention. Si la lecture de ce blogue permet d'éviter un seul ongle retourné, notre objectif sera amplement atteint.



JAMAIS !


Scoop : la prudence est une sorte de terrifiant ectoplasme.


C'est compris ? Ne faites jamais de signe sataniste devant un immeuble en feu.



Et vous, avez vous choisi ?



Comme le monde serait plus simple sans la sensibleries des femmes !



Combien de fois faudra-t-il répéter de ne pas laisser les engrenages découverts ?
Chaque année dans le monde, 0,2 personnes meurent pour cette raison.






Dans la langue des signes, l'index tendu signifie :
"Prenez garde ! Un lascar vous attend avec un énorme gourdin clouté !"








Un ouvrage indispensable